Avec son approche inspirée par la haute couture et un intérêt marqué pour le costume historique, on reconnaît sa signature dans ses créations pour les grandes productions classiques et contemporaines auxquelles il insuffle la juste touche de modernité. En plus de son expertise au théâtre, à l’opéra et à l’écran, Sébastien Dionne habille danseurs et circassiens. À quelques semaines de la première, nous avons rencontré le concepteur de costumes de Minuit quelque part.
En quoi consiste le travail de concepteur de costumes ?
Sébastien : D’abord, je m’assois et je discute de la direction artistique avec les metteurs en scène et/ou les chorégraphes… on rêve ! On s’entend sur un style, une palette de couleurs et les looks pour chacun des interprètes. Ensuite, je fais de la recherche visuelle en lien avec la direction choisie pour appuyer mes premières propositions, puis je passe aux maquettes finales et au choix des tissus. Parfois, en plus de l’étape de conception des costumes, je peux choisir de patronner, couper et réaliser les costumes. Mais souvent, comme avec Minuit, j’ai un assistant pour la gestion du projet et les achats, et un coupeur avec qui je collabore pour la réalisation. Une fois la conception faite, il y a les essayages avec les interprètes. C’est la première étape cruciale où on valide plusieurs de nos choix avec les metteurs en scène et les chorégraphes. C’est à ce moment qu’on peut faire des ajustements à nos idées, surtout quand on peut voir l’artiste en mouvement. Finalement, il y a le suivi en répétitions jusqu’au soir de première pour s’assurer que notre conception et la réalisation des costumes évoluent bien en parallèle du spectacle.
Quand interviens-tu dans le processus de création d’un spectacle ?
Sébastien : J’entre généralement tôt dans le processus. Sur Minuit par exemple, j’ai intégré les rencontres de création en même temps que le concepteur sonore, au tout début de la création, avant même que les chorégraphes aient reçu la musique ou que les danseurs aient débuté les répétitions. Souvent, il est important d’arriver en amont des répétitions du spectacle car les choix que nous prenons aux costumes peuvent influencer le mouvement et ça permet aux chorégraphes et aux metteurs en scène de bien réfléchir et de manifester les besoins techniques qui en découleront.
Y a-t-il des contraintes différentes dans la conception de costumes de danse versus d’autres types d’art ?
Sébastien : La première approche reste souvent esthétique, mais elle se confronte très rapidement aux exigences techniques. Pour la danse, on doit considérer les lignes et l’amplitude du mouvement, choisir si on veut dévoiler le travail musculaire. Il ne faut pas entrer en confusion avec les propositions chorégraphiques. Et comme pour toutes les disciplines du mouvement, c’est important de considérer le ressenti de l’interprète dans son costume. Il ne faut jamais oublier que notre travail de création implique un autre humain que l’on doit respecter dans son rapport avec son corps, comprendre ses besoins et lui offrir de la sécurité durant sa performance. Il faut être à son écoute et ouvrir le dialogue.
Selon toi, quelles sont les qualités essentielles pour faire ton métier ?
Sébastien : D’abord, il faut accepter d’être flexible artistiquement. On doit savoir s’intégrer à l’univers qu’on nous propose tout en y insufflant notre vision. À la différence d’un designer, qui crée de façon unilatérale, le concepteur de costumes doit considérer son propre regard à l’intérieur d’une équipe. Il s’engage, avec plusieurs autres créateurs, au service d’un spectacle qu’on désire cohérent dans son ensemble. Pour ça, il doit prendre le pouls de toutes les personnes concernées (metteurs en scène, artistes, autres concepteurs), tout en sachant proposer et oser. Il faut aussi être patient et passionné. C’est un métier qui demande beaucoup d’heures de réflexion, de création, mais aussi de gestion. En tant que travailleur autonome, je dois également gérer le budget, les achats de matériel, la logistique d’essayages, le transport et l'entretien des costumes, etc. C’est 50% d’artistique mais aussi 50% de gestion, et ce, sur plusieurs projets différents qui évoluent en parallèle. C’est un métier avec lequel on doit composer avec le stress des périodes de travail très denses, avec peu d’heures de sommeil parfois, qui précèdent les premières représentations devant public. Des horaires atypiques qui sont loin du 9 à 5 ! Mais ça reste un métier extrêmement stimulant, permettant de belles rencontres humaines et de beaux voyages parfois !
Pour Minuit, à quelle esthétique le spectateur peut-il s’attendre ?
Sébastien : On est dans un style assez contemporain, avec des couleurs sombres et classiques rappelant le ciel de minuit. On a recherché une certaine amplitude, une fluidité, sans toutefois perdre la ligne. On a travaillé avec des jeux de transparence pour dévoiler de différentes façons le corps pour qu’il puisse se révéler malgré la structure des vêtements. On a travaillé une silhouette personnalisée pour chaque danseur dont le costume évolutif est composé de différentes pièces qu’il peut mettre ou enlever selon la section chorégraphique.
Quels artistes ou œuvres ont eu un impact significatif sur toi en tant que concepteur de costumes ?
Sébastien : Même enfant, j’ai toujours été attiré par le vêtement. Au départ, je me dirigeais vers une carrière en design de mode ; je dessinais sans cesse. À l’adolescence, j'ai découvert le milieu de la scène d’abord par la danse, mais rapidement ensuite par le biais du théâtre et ça m’a happé. J’ai découvert que la mode et ses codes pouvaient se mettre au service d’un personnage afin de raconter une histoire et ça m’a fait changer de direction. Le milieu de la haute couture restera toujours bien sûr une source inépuisable d’inspiration, spécialement le travail remarquable de créateurs comme Alexander McQueen ou John Galliano, dont les démarches créatives rejoignent cette façon spectaculaire de mettre en scène des personnages d’une grande théâtralité.
Une œuvre qui a été vraiment marquante pour moi est le spectacle immersif Sleep no more (Punchdrunk). En le vivant à plusieurs reprises en tant que spectateur, ça a confirmé mon envie de participer comme créateur à l’élaboration d’expériences du genre qui stimulent tous les sens du spectateur par une proposition esthétique et scénographique forte et sensible. C’est un sentiment semblable à celui que je ressens quand j’assiste à une création comme Revisor de Crystal Pite et Jonathan Young pour Kidd Pivot, qui nous transportent entièrement dans un univers et restent gravés à jamais dans notre mémoire.
Pour toi, minuit est synonyme de…
Sébastien : Création. J’ai toujours été un oiseau de nuit. J’aime attendre que la nuit tombe et que ce calme silencieux se fasse autour de moi pour me mettre en mode création. À minuit, je dessine ou je suis seul à l’atelier. C’est à cette heure que je me sens très inspiré.
Si tu devais choisir un endroit pour célébrer à minuit, ce serait lequel ?
Sébastien : C’est difficile de choisir, parce que je suis à la fois une bête de dancefloor et en contradiction, j’adore être perdu seul dans la nature. J’aime autant être entouré de monde dans une énergie bestiale et être isolé pour me perdre dans mes rêves éveillés.
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La Reine-garçon à l’Opéra de Montréal
Orgueil et préjugés au Théâtre du Trident
Nouvelle création du Cirque du Soleil à Andorre (Pyrénées)
Découvrez la vision de Sébastien Dionne lors de son passage près de chez vous!